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Habiter la terre… Indonésie

Java

Lundi 19 Mai


Sulawesi > Jakarta > Yogjakarta.

L'Airbus A 330 de la Garuda décolle au dessus des rizières.
Deux heures de vol jusqu'à l'escale de Jakarta. A l'arrivée sur la capitale, on survole d'immenses zones d'élevages de poissons dans la baie.
J'ai changé le planning prévu. Nous continuons le voyage par Java.
Transit à Jakarta, puis nous repartons vers Yogjakarta, l'ancienne capitale du pays.

A l'approche de la ville, je cherche vainement dans la brume la silhouette du Merapi, ce volcan de près de 3000 mètres qui domine la ville. Un des volcans les plus actifs au monde, et aussi un des plus surveillés : il menace directement une région habitée par plus d'un million de personnes. Un volcan qui a des éruptions à intervalles réguliers, tous les deux ans environ. La dernière date d'ailleurs de 2006.



Mardi 20 Mai


Nous sommes en l'an 2552.
Le soleil éclabousse de lumière les rizières qui défilent de part et d'autre du véhicule, dans la chaleur déjà étouffante du matin. Là, il y a une carriole tirée par un cheval, avec sa cargaison de fruits. Plus loin, une sorte d'embouteillage de véhicules motorisés de toute sorte. Petit à petit la foule grandit, il y a des centaines de personnes le long de la petite route que nous empruntons, et qui nous mène au temple de Mendut. Hier soir les hommes ont prié pour qu'il fasse beau. Effectivement le soleil tape comme jamais.

Nous sommes en l'an 2552… du calendrier bouddhiste. Le 20 mai, c'est le Waisak, le jour le plus important de l'année. C'est l'anniversaire du jour où Bouddha atteignit le nirvana, où il se libéra de son existence physique. C'est pas rien quand même. Plus de 500 millions de bouddhistes en Asie célèbrent le Waisak.

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Au temple de Mendut - sous un immense banian - c'est sous un arbre sacré comme celui ci que Bouddha reçut son illumination - des centaines de personnes attendent. Les banians se développent par un système de racines aériennes qui poussent à partir du tronc. Ici, les gamins jouent à la balançoire dans les racines, avant qu'elles n'aient rejoint le sol. Il y a des bonimenteurs de toute sorte, des vendeurs d'accessoires, qui se mélangent à la foule des pèlerins venus des quatre coins de l'Asie. A l'intérieur de temple, les pèlerins viennent prier et faire brûler quelques bâtons d'encens, au pied d'une statue de Sakyamuni. L'épaisse fumée diffuse la lumière qui rentre par l'unique porte en pierre du temple. Instants de dévotion.

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Une étrange procession se met en route doucement. A l'avant, une camionnette porte le feu sacré. Puis suivent un groupe de jeunes gens en tenue traditionnelle locale. Derrière, un groupe porte l'eau sacrée dans des jarres. L'eau a été puisée dans une source sacrée, et elle fait le chemin jusqu'au temple. Elle servira à bénir les disciples. Suivent les moines qui marchent sous des ombrelles jaunes, en trois files paralléles. Enfin, le gros de la procession c'est la foule, bigarrée et cosmopolite. Il y a des milliers de personnes le long des cinq kilomètres de la petite route qui va de Mendut à Borobudur. Il y en a des centaines d'autres qui attendent déjà au temple.

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En Indonésie, le sacré naît dans les montagnes, il descend le long des arbres, sur les pentes. Il ruisselle dans les moindres fontaines, suit les cours d'eau pour finir à la mer. Il transpire des pierres de ces temples, jusque dans les maisons. A Bali, ce sont des textes sacrés qui déterminent la disposition des pièces, et il y a de petits autels à l'intérieur de la maison. A Sumba, les dieux ont leur étage personnel. A Sulawesi, on oriente sa maison face au créateur de l'univers. Le sacré est partout.

Peut être plus que partout ailleurs dans le monde, les religions sont vivantes, et surtout elles coexistent et s'interpénètrent, dans ce que les indonésiens eux mêmes appellent une harmonie. Un syncrétisme religieux, qui puise ses sources dans l'Islam, le Bouddhisme, l'Hindouisme, le Christianisme, sur une base d'animisme qui a su perdurer malgré et au milieu de toutes ces influences. Il faut voir pour le croire. La devise de la nation indonésienne est une formule empruntée à un poème javanais du 15 éme siècle : Bhinneka tunggal ika : "Diverse et une à la fois", ou l'unité dans la diversité. Ici tout le monde le répète à longueur de journée. On pourrait n'y voir qu'un sentiment nationaliste. Pourtant, en regardant l'histoire on comprend mieux pourquoi cette tambouille là, finalement, ne fonctionne pas si mal.

L'islamisation a été ici un processus largement pacifique, et non, comme ailleurs, le fruit d'une conquête. La foi du prophète fut portée ici non par des soldats de Dieu, mais par des marchands et des marins. Sans la rigidité de l'orthodoxie originelle, déjà frotté à d'autres croyances par son acclimatation en Perse, dans le sous continent et en Chine, l'islam peut s'adapter sans conflit aux réalités locales. Il se montre tolérant envers les rites et les croyances qui l'ont précédé.

Cà, c'est l'histoire. Bien sûr, aujourd'hui, il y a l'islamisme fondamentaliste, bien implanté à "Central Java" d'ailleurs, mais qui représente une infime minorité de la population. Il ne faut pas surestimer sa propagation.

Mais… retour au bouddhisme !
15 heures. Borobudur.
Le plus grand monument bouddhiste du monde. 30 000 tailleurs de pierre, 75 ans de travaux pour la première période de construction. Un million de blocs de pierre volcanique. Il faut voir Borobudur comme une montagne cosmique. C'est une sorte de modèle en trois dimensions du cosmos, selon le bouddhisme Mahayana.  Un premier niveau, qui pose le temple au dessus du sol. Suivent quatre étages de galeries aux bas-reliefs tous plus travaillés les uns que les autres. Plus de 1500 bas-reliefs qui jalonnent 6 kilomètres de cheminement. Il faut des heures pour en faire le tour ! Ils racontent la vie de bouddha, et celle des bouddhas à venir. Puis trois terrasses circulaires qui portent 72 stupas, avec des statues de bouddha dans chacun d'entre eux. Des cercles qui symbolisent les étapes transitoires avant d'accéder au dixième et plus haut niveau, celui de la vacuité et de l'abstraction, représenté par un immense stupa - vide celui là - qui domine le temple et la forêt tropicale qui l'entoure. L'intégralité est en pierre volcanique noire. Usée par le vent et l'eau, l'ensemble paraît défier à jamais le temps.

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C'est la deuxième fois que je viens ici. J'étais venu faire un film sur la relation entre les volcans et les hommes. Le pays était parfait pour cela. A Borobudur, j'avais même tourné une image aérienne magique, en survolant en hélicoptère le site. Vu du ciel, ce temple est carrément bluffant.

16 heures.
Je suis assis devant le temple, au milieu de milliers de pèlerins. Il faut s'imaginer une foule disparate.
Il y a là des groupes venus du Japon, du Cambodge. A côté de moi un groupe de jeunes étudiantes indonésiennes qui se sont assises pour prier. Plus loin un couple de personnes âgées sont visiblement très émues d'être là.

Un autel doré est dressé face à la foule, assise sur d'immenses tapis rouge. La procession pénètre dans le sanctuaire. En tête de cortège, les moines, puis le reste de la troupe.
Les moines se sont maintenant assis sur une scène, sur la droite de l'autel, et commencent à prier. Leurs prières sont diffusées sur d'immenses hauts parleurs, ainsi les sons montent vers le temple.
Un énorme cumulus est en train de se former, qui vient faire un fond derrière le temple, le plaçant en silhouette.
(Moi je dis que malgré les prières, il pourrait pleuvoir…!)

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J'ai laissé un instant la cérémonie, pour retourner dans le temple. Je marche le long des bas reliefs, en oubliant qu'il faut parcourir ces sortes d'immenses couloirs dans le sens des aiguilles d'une montre.
Un groupe d'étudiantes musulmanes, voilées, glousse de rire en me voyant les regarder se prenant en photo devant les bas reliefs.
Plus loin, il y a un couple assis par terre, dans une des allées, qui pratique un étrange mélange de prières, de rituels, et d'incantations.
Ils sont assis en tailleur, elle est derrière lui, ils chantent, et de temps en temps elle lui appose les mains dans le dos, et il souffle bruyamment. Ils semblent totalement absents de Waisak, et aussi des indonésiens qui passent de temps en temps à côté d'eux, absorbés à leur rituel.

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La lumière baisse très vite d'un coup, la cérémonie se termine.
Les nuages se sont épaissis, ils viennent en tous cas cacher la pleine lune de ce soir. Dommage, cela aurait été vraiment magique de voir la lune rousse se lever derrière le stupa géant.
Trois gouttes viennent claquer sur l'asphalte brûlant. Puis maintenant une petite pluie régulière, qui ne dure pas très longtemps, c'est vrai. Assez de temps en tous cas pour justifier le portage du parapluie pliant que j'ai glissé dans mon sac à dos, ce matin, malgré leurs prières…

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Mercredi 21 Mai


Il est 9 heures.
Je déambule dans le célèbre "Kraton" de Yogjakarta, le palais du Sultan. J'avais rendez vous avec lui, mais il a marié sa fille il y a quelques jours : un si beau mariage que la commission anti-corruption - mise en place récemment en Indonésie - lui a mis le grappin dessus… Pas glop…

Le palais est encore vide ce matin, il va se remplir progressivement. Il faut s'imaginer un palais dans la ville, ou plutôt la ville qui traverse le palais. Le Kraton fait coïncider le centre de la ville et du royaume avec le coeur métaphysique de l'univers. Les habitants de Yogjakarta entretiennent ce palais un peu désuet. Le Kraton est un mélange architectural du style javanais avec des influences hollandaises, datant de l'époque coloniale. La décoration est décalée, un peu désuete parfois, toujours touchante.

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Nous avançons sous les immenses arbres. Il fait 35°C, l'air est saturé d'humidité. Ces arbres sont un vrai délice.
Muso a 75 ans. Muso est un peu sourde. Il faut lui parler fort, au risque de faire taire tous ces oiseaux qui jacassent, là, dans les arbres. Muso a appris le français au lycée de Yogjakarta, comme ses collègues, parce que son prof de français était séduisant.  Muso est guide au palais du sultan. Sa mère était la soeur du père du sultan.
"- Regardez, là ce sont les quatre piliers du style javanais. Ce sont les quatre symboles qui tiennent notre univers : La Terre, l'Eau, le Vent, et le Feu"
Muso raconte la construction du palais, elle en vante la grandeur, les détails de la décoration, et elle prêche le mélange des religions.
Dans l'entrée, on a protégé les toits traditionnels en teck par une immense structure métallique qu'on a tenté de redécorer à la manière javanaise. Là, on voit le lotus, d'inspiration bouddhiste, ici le soleil, référence à l'hindouisme. Plus loin, les lustres sont en verre de Murano, à Venise. Les vitraux hollandais… Là, un portrait du sultan le représente avec de grandes oreilles pointues, signe d'intelligence.
Le tremblement de terre d'il y a deux ans ?
" - Non, le palais n'a subi que très peu de dommages"
Muso m'explique le code couleur utilisé dans la décoration javanaise : le rouge c'est le courage, l'or la puissance, le blanc la pureté.

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A l'entrée de la troisième cour, je m'approche d'une énorme pièce de bois allongée, avec une poignée à chaque bout.
"- C'est vrai, on dirait un rouleau à tapisserie ! C'est un tambour !"
Oui, un immense tambour, d'une seule pièce de bois évidée, taillée dans le tronc d'un jacquier. Muso me raconte qu'on utilisait le tambour pour sonner l'alerte en cas d'incendie dans le palais. Tout le monde rappliquait alors aussi sec pour éteindre le feu.
"C'est fini, aujourd'hui on s'en sert dans les villages tous les soirs à 10 heures !
- Ah bon ? Pourquoi ?
- C'est pour rappeler aux femmes de prendre la pilule ! Vous comprenez, avant on avait 7 ou 8 enfants, c'est cher, il faut les nourrir. Maintenant, c'est bien de s'arrêter à deux."
Muso éclate de rire, à lui mettre ses lunettes de travers.
C'est pourtant vrai. Le gouvernement indonésien a incité à cette politique de contrôle des naissances, et le système d'alerte semble toujours en vigueur aujourd'hui !

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12 heures. La musique de l'orchestre de gamelan qui accompagne le spectacle de marionnettes se mélange à l'appel à la prière de la mosquée voisine. Etrange mix musical !
Nous avons fait une pause dans un petit boui boui où nous dévorons du poulet mariné avec des oeufs marrons, et du fruit du jacquier, bien sûr accompagné de riz. Puis nous retraversons Yogjakarta aux heures les plus chaudes, à moitié abasourdis par la circulation.

A 16 heures, nous sommes à une demie heure du centre ville, au temple hindouiste de Prembanan. Le plus grand temple hindu d'Indonésie. Un ensemble imposant, constitué de dizaines de temples dédiés aux divinités hindouistes, dont les trois temples principaux, dédiés à  : Brahma, Vishnu et Shiva, dominent une immense pelouse. Bouleversé périodiquement par les tremblements de terre, en même temps simple et phénoménal amoncellement de blocs, le temple de Prambanan est en perpétuelle rénovation. L'immense parc autour est entretenu par des troupeaux de moutons qui viennent brouter entre les pierres. J'aperçois des daims en semi liberté.

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Ce petit bonhomme s'approche avec sa famille. Je m'amuse à lui demander où est le temple de Shiva. Avec un grand sourire, il hésite.
"- Je suis musulman, je ne sais pas, je ne peux pas vous dire"
A côté, sa famille se fait prendre en photo avec le portable sur l'escalier d'un petit temple adjacent à la place principale.

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Nous rentrons à l'heure des requins, quand les lumières des échoppes vient se battre avec le ciel bleuté du crépuscule. On accroche quelques images au passage. On pourrait s'arrêter partout, pour récolter une moisson d'images. La rue appartient à tout le monde, et donc à nous aussi. Tout fait sens.
Yon est parti dans une longue discussion avec le chauffeur. J'aime ces moments où on décroche des dialogues. Les langues étrangères se mélangent alors aux sons de la rue, au vacarme de la circulation. Les voix deviennent comme les notes d'une musique qui vous berce sans effort. Il y a mille odeurs, mille lumières, mille pensées. L'Asie s'est infiltrée en vous insidieusement. Quand cela vous arrive pour la première fois, vous ne réalisez pas tout de suite qu'elle ne vous lâchera plus…


Jeudi 22 Mai


Il y a plus de 130 volcans actifs en Indonésie. Cette nuit la terre a tremblé sur l'île de Nias, à 6 sur l'échelle de Richter. C'est bon, çà réduit les risques statistiques. Nias, nous y allons dans une dizaine de jours, ce sera la dernière étape du voyage indonésien.

Pour l'instant nous faisons route vers Bantul. Bantul c'est l'épicentre du tremblement de terre de 2006 à Yogjakarta. 5.9 sur l'échelle de Richter. 59 secondes de secousses qui mettent par terre plus de 100 000 maisons, faisant plus de 6000 morts. Je veux voir comment on reconstruit les maisons dans ce secteur très touché par les secousses. Le gouvernement indonésien a donné des aides, mais leur effet sur le terrain est long. Les OGN ont fait ce qu'elles ont pu, c'est à dire pas grand chose à long terme, seulement de l'urgence.

Bantul est une ville invisible, comme beaucoup de villes indonésiennes. C'est à dire qu'il y a des milliers de personnes qui habitent un peu partout au milieu des rizières, le long des petites routes. Les arbres cachent la plupart des habitations. On a l'impression d'être à la campagne tout le temps.

Nous arrivons sur le lieu de l'épicentre. La majorité des maisons sont reconstruites, mais de quelle manière ? Les maisons sont réparties au milieu des bananiers, des papayers et des bambous. Arnas a une vingtaine d'années. Il vit dans une maison reconstruite depuis peu. Arnas raconte qu'il a vu sa maison précédente s'effondrer, sa famille ayant juste eu le temps d'échapper au désastre. Son voisin a eu moins de chance, ses parents n'ont pas eu le temps de sortir…. Nous nous approchons d'un abri constitué d'une structure de bambous, surmonté d'un toit de tôle. C'est ici que vit la grand mère, depuis deux ans. Les anciens sont relogés les premiers. La grand mère est sourde, mais fait de grands signes pour que je rentre à l'intérieur. Quelques nattes, et deux meubles, c'est tout ce qui a été sauvé de la catastrophe. Les cintres sont accrochés sur une natte dressée à la verticale le long des murs en bambous tressés. Nous sommes loin du Kraton…!

A côté, la famille d'Arnas, avec l'aide des voisins, a reconstruit une maison avec l'argent du gouvernement. Fins piliers en béton soutenant la toiture. On remplit entre les piliers avec des briques assemblées au mortier grossier. L'argent du gouvernement suffit à faire le premier oeuvre. Murs et toit. Quelques fenêtres en bois. Les briques sont faites dans le village. Les matériaux sont chers, notamment le ciment. Evidemment, on est loin d'une construction anti sismique. Les piliers sont sous-dimensionnés. Juste devant la maison, on a creusé un puits. La femme qui vit là dit que l'eau est bonne. Ils le voient à la couleur. Bien sûr, ils n'ont pas d'argent pour faire des tests. Les toilettes collectives sont bâties en dur un peu plus loin : un petit abri en béton. Deux toilettes, dont l'une est hors d'usage. Elles servent pour tout le hameau.

La grande majorité des maisons de Java sont bâties sur un modèle influencé par l'époque hollandaise. Ce sont eux qui ont donné cette idée de faire les murs en dur. Et on reconnaît aussi la "Batave touch" à ces deux colonnes un peu kitch qui supportent la toiture de la loggia, devant la maison. Looké, c'est vrai, mais construire en dur, c'est pas sûr que cela soit le plus adapté à la situation locale…

En face, de l'autre côté de la petite route, la voisine d'Arnas, Suparti, avec son sourire éclatant et sa robe orange, tient à nous montrer sa maison. Suparti n'a pas eu assez d'argent. Sa maison a été totalement détruite pendant le tremblement de terre de 2006. Il ne reste plus que le soubassement de la maison précédente. Suparti a planté des papayers et des bananiers dans les espaces vides des piliers qui supportaient l'ancienne toiture. Comme une forêt tropicale au sol en glacis… Sur l'ancien dallage de la maison détruite, ils ont bâti une maison à l'ancienne, en panneaux de bambous. Deux pièces où on a entassé les meubles. Les enfants dorment toujours dans une tente, montée dans la deuxième pièce d'habitation. Le genre de tente de secours qu'on distribue aux sinistrés. La cuisine est quasiment en plein air. Le toit est rafistolé, fait de bric et de broc. Une situation temporaire qui dure depuis maintenant deux ans. Suparti explique qu'elle a des problèmes de santé, alors il a fallu choisir entre l'argent pour la maison et l'argent pour se faire soigner. A moins d'une demi heure de Yogjakarta et ses avenues bordées de grands magasins, des milliers d'indonésiens vivent depuis deux ans dans des conditions précaires.

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Plus loin, au bord de la route, nous nous arrêtons pour voir le chantier d'une maison en construction. Les hommes s'affairent à préparer les coffrages. Un camion arrive, et on vide la benne à la pelle pour livrer plusieurs mètres cube de sable noir. Du sable qui vient du lit de la rivière proche. Je monte sur une échelle en bambou, pour voir le plan de la maison depuis le premier étage. Un homme torse nu, à l'immense sourire, jette des briques une à une à son collègue, là haut, assis sur deux mauvais bambous en équilibre. La maison est construite au bord de la route, et la circulation est importante ! Le propriétaire, ancien gendarme à la retraite, fait pourtant construire sa maison ici, pour ses vieux jours. Yon m'explique qu'en Indonésie on construit toujours au bord de la route : c'est un investissement : la maison sera plus facile à revendre.
Le propriétaire explique les dosages du ciment.
"- Pour bien faire, il faudrait 1 part de ciment pour 3 parts de sable, ici on en met 1 pour 10…"
Le ciment est trop cher. Dans ce pays où les tremblements de terre sont fréquents, çà paraît dingue de fabriquer des maisons aussi peu solides… On pourrait garder les maisons en bois, qui résistent beaucoup mieux.

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Nous sommes maintenant pas très loin des pentes du Merapi, ce volcan aux fumerolles permanentes, qui domine toute la région. Le long de la route, un peu partout, il y a des magasins qui vendent toutes sortes de statues en pierres volcaniques. Plus loin, on est spécialiste des meubles en teck. Ici, ce sont les statues en pierre de lave. Je veux voir où on fabrique toutes ces décorations. Nous quittons la route principale, et suivons une toute petite route qui serpente dans les rizières.

Dans un atelier en plein air, deux sculpteurs travaillent d'énormes blocs de lave noire. Les gestes sont précis, rapides. Deux sculpteurs vous taillent un bouddha de 2 mètres de haut en 10 jours. Dans un coin de l'atelier, sous des tôles, les sculptures sont emballées dans des protections en bois. Destinées à l'exportation. Celles ci partiront en Suisse dans un container, quand leurs soeurs jumelles seront nées de ces blocs bruts posés en vrac devant l'atelier.

On peut tout vous faire : bouddhas, divinités Hindoues, mais aussi animaux de toutes sortes. Tortues, crapauds, crocodiles, serpents, dragons, fontaines, grenouilles, etc… Je reconnait Ganesh dans un coin. Plus loin Shiva étend ses multiples bras sous les tôles. Là bas, un moine semble très concentré sur sa prière. Là, devant un vélo hors d'âge d'un des sculpteurs, plusieurs moines et petits bouddhas alignés, assis par terre en tailleur, attendent leur finition. Un ponçage fin qui donnera cette apparence de douceur à l'ensemble.

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Le crépuscule tombe sur ces statues qui attendent, le long de la route, le camion qui les emportera, une fois terminées, vers d'autres cieux. Juste avant la nuit, le volcan Merapi, là bas,  se dégage des nuages. Nous sommes un peu loin, mais nous tentons une image, en exploitant au maximum les possibilités de la caméra en basse lumière. Volcan majestueux. Silhouette massive dont la base est cachée par les nuages. Menace permanente sur les habitants. Leur rappelant tous les jours - s'ils savent encore le regarder - l'impermanence de choses, et donc la futilité de l'accumulation matérielle.
Chacun réagira ensuite dans sa vie, comme il le voudra, à cette vérité basique.

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