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Australie - Richard et ses requins
Richard et ses requins
Au printemps 2002, je retourne dans le Queensland, retrouver Richard
FITZPATRICK, biologiste marin, spécialiste des requins.
Nous allons faire deux expéditions ensemble :
* A bord de l'Undersea Explorer, nous allons à Osprey reef, un
récif coralien à plus de 70 miles au large de la grande
barrière de corail. Richard y étudie depuis 1995 les
populations de requins.
* A bord du Floreat, nous rejoignons Raine Island, ilôt du
détroit de Torres, entre l'Australie et l'Irian Jaya, avec
l'autorisation exceptionnelle de capture d'un requin tigre, avec une
technique tpoute particulière que Richard a mis au point : la
capture au lasso !
Quelques photos, avec le texte du commentaire du film…
=:-)
Australie.
Printemps 2002.
Nous sommes sur la grande barrière de corail.
Un des plus spectaculaires monde sous-marins de la planète.
Des milliers de récifs, sur plus de 2000 kilomètres, le long de la côte est de l’Australie.
L’observatoire idéal de nombreuses espèces animales.
Si les dauphins sont bien
connus des scientifiques du monde entier, on sait, en revanche,
très peu de choses sur les requins, animal à mauvaise
réputation.
Pourtant, partout dans le monde, aujourd’hui, les requins sont en danger.
Surpêchés, très
sensibles à la pollution, se reproduisant peu, plusieurs
espèces importantes pourraient disparaître.
Une catastrophe pour l’équilibre général du monde marin.
Le bateau “Undersea
Explorer”, avec à son bord une équipe de
scientifiques, effectue des campagnes d’observation et
d’étude des requins.
Nous naviguons vers le nord, entre les récifs.
Direction Osprey Reef.
Osprey Reef est un récif
océanique, à 70 miles nautiques au large de la grande
barrière. A marée basse, le corail émerge parfois
complètement au dessus de la surface. Tout autour, la profondeur
atteint très vite près de 1500 mètres.
Osprey Reef est un véritable
laboratoire sous marin, un lieu d’observation unique pour
différentes espèces de requins.
Ici l’équipe de
l’Undersea Explorer étudie les “requins à
pointes blanches” depuis 8 ans.
Un travail sur la durée, aux
antipodes des attractions touristiques ponctuelles. Nous sommes loin du
tapage autour des grands requins appâtés d'ordinaire
à grand renfort d’hémoglobine.
Il faut passer du temps au contact
des requins pour aller à l’encontre d’un certain
nombre d’idées reçues.
Richard FITZPATRICK, 32 ans, est biologiste marin, spécialiste des requins.
Après avoir travaillé
dans les aquariums de Sydney et pour les parcs marins australiens,
Richard partage aujourd’hui tout son temps entre les recherches
sur la vie animale sous-marine, et ses interventions à
l’Université James Cook.
Près de 8000 heures de plongée. Une vie entière consacrée à ces animaux.
Avec notamment Andrew Dunstan, Richard FITZPATRICK étudie depuis 8 ans les requins à pointe blanche de lagon.
Ensemble ils ont constitué une véritable base de données sur les requins d’Osprey Reef.
Un long travail scientifique d’études comportementale, pour mieux connaître l’animal.
Aujourd’hui, Richard veut
marquer de nouveaux requins, avec sa technique très
particulière de capture au lasso.
Pour attraper les requins à pointe blanche, Richard les attire avec une caisse remplie de poissons.
Il s’agit ici de les attirer, mais surtout pas de les nourrir.
Ces techniques trop souvent
employées , qu’on appelle le “shark feeding”
provoquent des situations d’affolement où la
sécurité peut tout à coup basculer.
Richard préfère la méthode douce.
Depuis deux ans, Richard
fait équipe avec Adam, un autre passionné des requins,
rencontré sur une campagne d’exploration.
Les situations collectives sous stimulation alimentaire peuvent être très dangereuses.
Les requins se mettent à mordre dans tous les sens.
Si la situation dérape, il faut sortir de l’eau immédiatement.
Richard donne à Adam
le premier requin capturé, une femelle d’environ 1M50. Il
faut remonter les requins à l’arrière du bateau,
pour pouvoir les marquer.
La remontée étourdi le requin.
Laissé pendu par la queue pendant quelques minutes à la verticale, le requin perd ses références.
La grande barrière de
corail est le lieu d’une incroyable biodiversité dont on
commence seulement à entrevoir tous les mécanismes.
Aujourd’hui cet
écosystème unique et fragile des récifs coraliens
des mers tropicales est sérieusement mis en danger.
Tous les éléments de ce biotope sont imbriqués et interdépendants.
Etudier les requins, c’est connaître le prédateur absolu, au sommet de la chaîne alimentaire.
Sa disparition aurait des conséquences considérables sur les autres espèces animales, et donc sur nos vies.
Richard emmène à
chaque voyage quelques étudiants de l’Université
James Cook avec qui il travaille tout au long de l’année.
C’est un peu la
spécificité de sa démarche : faire dialoguer la
science théorique et le travail sur le terrain.
Les étudiants ont cette occasion unique de découvrir les requins dans leur univers naturel.
L’Undersea navigue sur la côte pacifique du récif.
Au fil des ans, Richard a perfectionné les techniques d’investigations.
Depuis que l’équipe a
commencé ici ses recherches sur les requins, plusieurs
récepteurs ont été disposés autour du
récif, pour recueillir encore plus d’informations.
Richard décide une plongée de nuit, pour observer les requins à la pointe nord du récif.
La nuit, les requins sont en chasse.
Il faut être encore plus vigilant…
Le poisson perroquet mange les algues à la surface du corail.
La nuit, il forme une bulle pour masquer son odeur, espèrant ainsi se cacher des prédateurs.
Jour J à bord de l’Undersea Explorer.
Richard veut capturer un requin gris de récif.
Cette fois ci, c’est une autre histoire.
Changement de technique.
Le requin gris de
récif peut atteindre 2,50 mètres de longueur. Beaucoup
plus puissant que le requin à pointe blanche.
Hors de question de les capturer au lasso, cette technique est trop dangereuse.
Alors Richard décide de les
appâter depuis le pont arrière, une technique qu’il
est en train de mettre au point pour capturer aussi les requins
Tigre…
Après avoir
désinfecté la peau de l’animal,
l’équipe commence une véritable intervention
chirugicale pour implanter l’émetteur.
Sa batterie va durer cinq ans.
Townsville. Nord Queensland.
120 000 habitants.
C’est ici que Richard s’est installé, pour être au plus près de son terrain de jeu.
Un véritable travail en
commun avec d’autres scientifiques lui a permis, au fil des ans,
d’accumuler un vrai savoir faire, une connaissance
précieuse de l’ensemble de
l’écosystème de la grande barrière.
De nouveaux champs d’investigation continuent à s’ouvrir.
Prochaine étape de sa
recherche : le requin tigre, une espèce très peu connue,
et réputée dangereuse.
Pour la première fois,
Richard veut poser un émetteur sur l’aileron dorsal
d’un requin tigre, pour suivre ses déplacements par
satellite.
Une opération risquée.
Objectif : “Raine
Island”, un récif coralien à l’extrême
nord de la grande barrière.
Un des endroits les plus
protégés d’Australie, où chaque
année, des milliers de tortues vertes viennent pondre, au terme
d’une longue migration.
Pour la première fois,
Richard et son équipe ont l’autorisation exceptionnelle de
débarquer sur l’île.
Les requins possèdent un
sixième sens : ils se repèrent en percevant les
vibrations électro magnétiques.
En décodant les infimes
variations du champ terrestre, ils pourraient ainsi migrer sur
d’énormes distances pour suivre les tortues.
Nous naviguons entre les récifs et la côte, sur le “Floreat”, un ancien bateau des douanes.
La météo est changeante.
Plus nous approchons de l’île, plus nous subissons les effets de la mousson.
Attirer le Requin Tigre va demander de nombreux appâts.
Le “Floreat” a ancré dans la zone autorisée à la pêche sous marine.
Richard s’est adjoint les
compétences d’Andrew, un passionné des requins, qui
a lui aussi approché plusieurs fois les tigres.
Son idée est qu’ils sont particulièrement friands de poissons perroquet.
Il faut faire vite, quelques
requins à pointe blanche de lagon approchent, attirés par
les vibrations du poisson qui se débat.
Les requins tigre doivent observer la scène d’un peu plus loin…
Raine Island, c'est un peu le bout du monde.
Une trentaine d’épaves aux alentours rappellent le danger de la navigation dans les zones de hauts fonds.
En 1844, l’amirauté
britannique mandate le capitaine Blackwood pour bâtir un phare,
afin de guider les navires dans la passe du détroit de Torres.
Aujourd’hui, le phare domine
de ses 15 mètres ce récif coralien du bout du monde,
peuplé de nombreuses espèces d’oiseaux.
32 hectares de lande bordés
de plage, où viennent pondre les tortues vertes, chaque
année, entre Décembre et Février.
Au petit matin, les tortues adultes
épuisées meurent parfois, écrasées par le
soleil, et la fatigue, avant de retourner à la mer.
Si elles parviennent jusqu’au rivage, le prochain danger sera les requins tigre.
Le requin tigre, c’est lui !
L’adulte peut mesurer six mètres et peser une tonne.
Le mauvais temps arrive, le vent qui se lève oblige le bateau à quitter le mouillage pour s’ancrer ailleurs.
Nous dérivons dans les forts courants qui nous entraînent vers le récif.
La manoeuvre est délicate.
Le tombant est très raide, on passe vite de 15 mètres de fond à plus de 700 mètres !
Le vent a tourné au Nord Ouest pendant la nuit, apportant la pluie de la mousson.
Nous sommes coincés dans la mousson.
Condamnés à attendre.
Et nous n’avons pas encore vu un aileron de requin tigre !!!!
Sixième jour d’attente.
16 heures.
Nous venons d'essuyer un énorme orage tropical.
La réserve de poisson commence à baisser.
Les requins sont là.
Quelques pointes blanches ont bien mordu aux appâts.
Mais nous attendons le tigre, beaucoup plus timide…
Le mauvais temps ne facilite pas les choses.
17 heures.
Cette fois ci, c’est lui.
Pour blesser le moins possible le requin, Richard a ébarbé l’hameçon, en meulant le crochet.
Le requin cherche à lâcher l’appât, à se dégager.
Il faut faire vite.
Maintenir une tension constante sur la corde.
Le requin peut s’échapper très facilement, en donnant un mouvement arrière.
Septième jour d’attente.
18 heures.
Un deuxième requin tigre, encore plus gros qu’hier, mord enfin l’appât.
Richard s'en veut d'avoir
raté celui d'hier : il pense qu'il aurait dû sauter
à l'eau, au delà de toutes les consignes de
sécurité qu'il s'était lui même
fixé…
Cette fois ci, le requin tigre revient.
Il a décidé de manger, il va falloir se battre.
Si l’hameçon se décroche, si la corde casse, la situation devient très critique.
Au bout de dix minutes, le requin commence à fatiguer, Richard parvient enfin à sécuriser l’animal !
Bloqué par l’arrière, il va progressivement lâcher la bataille.
Le requin est sécurisé. Maintenant Richard va pouvoir commencer l’opération.
D’abord Richard doit plonger
à nouveau pour attacher les nageoires caudales : il faut
maintenant mettre le requin à l’horizontale.
Richard s’est fixé un
protocole qu’il doit suivre, sans perdre de temps. Le requin est
calme pour quelques minutes seulement.
Après avoir mesuré le
requin tigre, Richard pose l’émetteur satellite, en
perçant la nageoire dorsale.
Equipé d’une batterie
prévue pour durer plusieurs mois, l’émetteur
enverra des signaux chaque fois que le requin remontera à la
surface.
Reçues par le système
satellite Argos, les informations seront réceptionnées en
France, puis transmises à Hobart, en Tasmanie.
Avant de relâcher
“Nicole”, c’est ainsi qu’il appelle ce requin
femelle de 15 ans environ, Richard prélève un petit
morceau de la nageoire caudale pour une identification ADN.
L’intervention sur Nicole a duré 10 minutes.
Pour la première fois, un requin tigre vient d’être capturé et marqué.
Richard va pouvoir étudier ses déplacements, entrevoir ses habitudes alimentaires, estimer son territoire de vie.
Retour à Townsville.
Deux mois ont passé depuis que Nicole a été capturée à Raine Island.
Richard reçoit
régulièrement les derniers points GPS fournis par
l’organisation de recherche scientifique et industrielle du
commonwealth, qui a développé le prototype
d’émetteur.
En reportant ces données sur une carte marine, nous pouvons suivre l’animal à la trace.
L’hypothèse de Richard semble se confirmer.
Richard va continuer sa recherche scientifique sur la grande barrière de corail.
Il devient urgent d'estimer les populations de requins.
Se reproduisant peu,
surpêchés, très sensibles à la pollution,
toutes les espèces de requins sont aujourd’hui
menacés.
On les consomme pour leurs ailerons, et ils finissent transformés en croquettes pour chiens et chats…
Il est pourtant absolument nécessaire de protéger ces grands prédateurs marins.
Chaque fois qu’une espèce animale disparaît, c’est notre capital survie qui s’appauvrit !
Le 22 mai, un bateau de pêcheur de barramundi attrape, accidentellement, un requin tigre dans ses filets.
Il s’agit de Nicole, qui a
parcouru plus de 1500 kilomètres depuis son marquage à
Raine Island, deux mois auparavant.
Nicole meurt d’asphyxie dans
les filets avant que les pêcheurs n’aient eu le temps de la
dégager, s’apercevant que l’animal était
marqué.
L’émetteur est renvoyé à Hobart. L’opération est terminée.
FIN
=:-)