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Habiter la Terre… Etats Unis
New York + Connecticut
Mery nous ouvre la maison de verre de l'architecte Philipp Johnson.
Dimanche 29 Juin
Il y a eu la route dans le brouillard vers Bangor. On a fini par
récupérer nos bagages que Delta Airlines n'avait pas fait
suivre depuis New York…
Puis l'avion pour JFK.
Nous survolons Long Island avant de nous poser.
Escale à New York, avant de repartir vers l'Ouest après demain.
Midi. Coup
d'hypoglycémie dans les embouteillages. Première sortie
d'autoroute, on déboule dans un quartier du Queens un peu trash.
Pause dans un Chinese Deli. On s'empiffre de junk food pour faire
descendre la pression. Des nappes d'infra basses font vibrer les vitres
du petit restaurant : des latinos et des blacks aux têtes de
tueurs conduisent d'énormes 4 X 4 qui démarrent d'un son
rauque au feu vert. Nous sommes tellement abreuvés d'images en
provenance de ce pays où les gens surjouent leur propre
rôle en permanence… Je ne suis pourtant pas venu chercher
aux Etats Unis ces images clichés.

Nous sommes repartis, et
traversons Manhattan. Un violent orage nous surprend sur les ponts
autoroutiers de Newark. La ville se transforme en quelques minutes en
vision d'apocalypse. Je suis toujours frappé ici par
l'état de délabrement de certains quartiers des grandes
villes américaines. La pluie, les flaques, la dominante gris du
ciel d'orage y rajoutent une couche d'inhumanité violente et
esthétique à la fois.

Jeté les sacs
à l'hôtel et repartis. Nous avons repassé Holland
Tunnel vers Manhattan. A la tombée de la nuit, le quartier de
Soho s'allume de tous ses feux. Big Apple crache instantanément
son énorme dose de cosmopolitisme qui fait tout son charme.
Restes de Gay Pride dans Greenwich Village. Juste après la fin
du défilé. Des créatures improbables au sexe
difficile à déterminer traversent les rues. D'autres se
font prendre en photo avec le "cop" du coin de la rue, en souvenir. Je
repense à Bill, dans sa yourte, à quelques heures de
route de là. Une petite luciole traverse en clignotant le
restaurant éthiopien en sous sol où on mange avec les
doigts un Meskerem mal cuit.
Lundi 30 Juin
7 heures.
Bloqués sous Holland Tunnel par le "Trafic Jam" du lundi matin.
Le GPS indiquait cette route, qui nous fait passer par Manhattan. Je me
doutais bien que çà risquait de coincer… Il nous
faudra deux heures de route sur le highway vers le nord est pour
rejoindre la petite ville de New Canaan. Une ville d'hommes d'affaires.
La plupart des habitants travaillent dans le milieu de la finance.
"- Il y a tellement de banques ici… chacune a un parking privé, alors il est très difficile de se garer !"
Mery Erickson est chargée d'accompagner la presse au "Glass
House Visitor Center". Nous sommes maintenant dans sa voiture, nous
avons quitté le petit centre ville, et la route serpente dans la
forêt, où de temps à autre de grandes
clairières découvrent des maisons imposantes, pas toutes
de bon goût…
"- Il y a de plus en plus de maisons comme celles que vous voyez…"
Mery designe d'énormes bâtisses dans les arbres. Des
maisons comme des châteaux. Plusieurs toits imbriqués.
Sortes d'immenses granges avec des protubérances. Bardages en
bois peints posés à l'horizontale. Huisseries à
guillotine. Petits carreaux. Collections de gros véhicules
alignés devant le gazon.
"- Après le 11 Septembre,
beaucoup de New Yorkais n'ont plus accepté d'habiter à
Manhattan, alors ils se sont installés dans la région."
Mery n'est pas très contente, pourtant :
"- Nous essayons de préserver l'intégrité du patrimoine architectural unique de ce secteur."
Ce patrimoine, c'est l'oeuvre de quelques architectes visionnaires des années 50, dont Philip Johnson.
Philipp Johnson est venu s'installer ici avec plusieurs autres
architectes. Pour y vivre. Pour développer idées et
projets novateurs à l'époque. Ce mouvement de
réflexion collectif a fait de New Canaan un vrai nid de
l'architecture moderniste des années 50 - 60. Plusieurs maisons
uniques et parfois spectaculaires sont éparpillées dans
la forêt. Malheureusement vampirisées par les
constructions récentes qui font plus preuve d'étalage de
richesse que d'inventivité.
Je suis venu voir la maison de verre. La célèbre "Glass House".
Philip Johnson y a vécu jusqu'à sa mort, en 1998. Ensuite
il l'a léguée à sa famille, mais en organisant la
perennité de son oeuvre : il voulait que sa maison soit
transformée en musée, qu'on puisse la visiter.
Le musée a ouvert l'an dernier.
A l'entrée, une maxime de Johnson donne tout de suite le ton :
"The only absolute is change itself".
Respect.
La Glass House… la maison de verre. Je suis excité
à l'idée de rentrer à l'intérieur d'une
maison toute en verre, qui laisse le regard traverser ses murs. La
visite de la Glass House est en réalité une
véritable expérience architecturale.
Nous descendons la pente. Sur la gauche, il y a un drôle de
bâtiment, c'est la bibliothèque, que nous verrons plus
tard. Il faut longer un mur en grosses pierres, typique du Connecticut,
pour approcher de cette véritable oeuvre d'art. La maison est
faite de deux rectangles minimalistes posés dans la prairie. Un
rectangle plus privé avec très peu de fenêtres
(seulement trois grands hublots circulaires) est construit sur la
pente. La partie plus "publique", qui est reliée par un petit
sentier de gravier, est un simple rectangle aux murs en verre. Seuls
quelques piliers d'acier soutiennent une toiture plate.
Nous pénétrons à l'intérieur de cette
maison de légende. L'espace central est un open space. A gauche,
la cuisine.
"- Vous savez que c'est la pièce la plus importante pour les français !?
- Philipp Johnson n'aimait pas trop cuisiner, mais il a fait quelque chose de très fonctionnel, là encore"
Une rangée de meubles intégrés. Rien en hauteur.
On circule en profitant de tout l'espace environnant. Un plan de
travail pivotant vient recouvrir l'évier, transformant
l'unité de préparation et cuisson en long bar. Johnson
aimait organiser de grandes fêtes dans sa maison.
A droite, ce qui fait office de salon, à côté d'un
pilier circulaire en briques, seul concession à la rectitude des
perspectives.
D'un côté une cheminée, de l'autre une salle de
bain. Petits carrés de mosaïques. Plafond en carreaux de
cuir…
Une cloison-paravent constituée d'une série de placards
délimite un espace réservé à la chambre.
C'est un des endroits les plus spectaculaires de la maison. La cloison
fait office également de tête de lit. Le lit est
posé devant le paysage. Génial !
Sur la droite, pas très loin du lit (je le comprends…!)
il y a un simple bureau recouvert de cuir. Lui aussi, bien sûr,
donnant sur le paysage. Je m'assois au bureau. Face aux arbres. Bel
espace pour se concentrer, pour développer des idées.
Peu de mobilier. Tout cela
est très moderne. Nous sommes dans une démarche de
simplicité là aussi. Pas dans la mise ne oeuvre des
matériaux, mais dans la gestion des espaces. Il faut chaque fois
réaliser que cette maison a été construite en 1949
! Johnson était un véritable précurseur. La maison
est bourrée d'astuces. Philip Johnson a fait installer un
système de chauffage par le sol, qui chauffe les deux maisons.
Les tuyaux déneigent par la même occasion le passage en
gravier au milieu de la prairie. La toiture n'est pas parfaitement
plate : l'eau du toit est drainée vers le centre du toit, ce qui
évite un système de cheneaux. La disposition judicieuse
de l'éclairage, fait de lumières indirectes, fait qu'il
n'y a pas de reflets sur les vitres, une fois la nuit tombée.
Pour que le regard reste ouvert sur l'extérieur.
Philip Johnson voulait qu'en
étant dans la maison on expérimente la nature. Il aimait
voir bouger les arbres, se casser parfois les branches, voir la neige
s'accumuler en hiver et transformer le paysage, etc… Cà
fonctionne vraiment.
"- Vous savez, certains visiteurs me
disent qu'ils ne pourraient pas habiter là ! Cà leur
plaît, mais cela les effraient aussi."
Moi je la trouve exceptionnelle. J'habiterais volontiers dans ce genre de maison.
"- Vous savez, si vous organisez des visites avec la possibilité de passer une nuit ici, faites moi signe !
- D'accord !"
Bien sûr, il ne faut pas trop avoir de voisins. Mais quand on a
de l'argent, çà aide : Philipp Johnson a acquis 50
hectares de terrain pour être tranquille.
Nous sortons par une des quatre portes posées en milieu de
façade, et traversons la terrasse en herbe. Toute la maison est
une invitation au paysage. En bas, il y a un petit lac où on
devine des poissons. Quelques dindes sauvages se promènent dans
le terrain. Il faut imaginer que Johnson a modelé sa vision du
paysage de manière très précise. Il a fait
replanter ces grands arbres, en guidant ses assistants depuis la
terrasse… Sur la gauche, on aperçoit une étrange
sculpture. Il s'agit en fait d'une tour sur laquelle on peut grimper.
Johnson y montait de temps en temps. Un point d'observation en hauteur.
Là aussi on est convié à une expérience
architecturale.
A côté de la maison, Philip Johnson a construit une
bibliothèque. un bloc de béton apparemment assez
hermétique. Mais quand on ouvre la porte, la pièce est
lumineuse. Grâce à la lumière zénithale d'un
puits de lumière juste au dessus du bureau. Grâce à
une fenêtre rectangulaire face au bureau, qui encadre
naturellement le paysage de la forêt. Impressionnante collection
de livres sur l'architecture tout autour du monde… Fascinant.
Plus haut, dans la pente, on devine une structure en béton semi enterrée.
"- Qu'est ce que c'est ? un réservoir d'eau ?
- Non, c'est la galerie de peinture…"
Oups… Nous nous approchons d'une entrée monumentale, dont
Mery me dit que Johnson s'inspira ici d'un tombeau romain. A
l'intérieur, d'immenses tableaux d'art moderne. Sur la gauche,
un tableau de Warhol représente l'architecte. Un
ingénieux système de panneaux verticaux rotatifs permet
d'exposer les tableaux en fonction des invités. Philip Johson
organisait là aussi des fêtes souterraines, pour
être à l'abri des voisins.
Pas très loin, un bâtiment construit dans les
années 60, en briques et acier. Façades peintes en blanc.
Ici Johnson s'est inspiré de l'architecture grecque. Le
bâtiment abrite une collection d'oeuvres d'art contemporain.
Johnson a développé ici l'idée d'une toiture
transparente. Poutres en acier, et plaques de verre, avec
système d'ouvertures pour ne pas que l'ensemble se transforme en
serre à l'air irrespirable. Le soleil vient faire des
séries d'ombres sur les oeuvres et les murs.
"- Quand on vient une première fois ici, on a envie de revenir" me dit Mery. "La
nuit c'est magnifique aussi, quand la lumière baisse. Philipp
Johnson a fait disposer des projecteurs, qui éclairent les
arbres. Y compris sur le toit de la maison."
C'est vrai, c'était une expérience inédite. Encore un truc à ouvrir l'esprit.
Nous avons passé plusieurs heures à la Glass House, avant
de repartir vers New York, dans la chaleur étouffante d'un
après midi orageux.
New York… en passant.
Il a fallu retraverser Manhattan pour rejoindre Newark. Tentative
infructueuse de shopping sur Broadway. Grignotage dans un pub, à
côté d'un écran géant qui diffuse en
alternance faits divers, extraits de match de football américain
et… spots publicitaires incessants. La tendance est au "green
washing" : une grosse compagnie américaine travaille pour
l'environnement nous dit on, puisqu'elle développe des
systèmes ultrasophistiqués permettant de réaliser
des vidéo conférences pour… être plus
efficace, produite mieux et plus. Ouf, le logo est en vert, et le mec
qui parle a l'air d'un copain.
Encore du chemin à faire question réduction de la
consommation d'énergie… Pourtant il va bien falloir
changer ses comportements. D'ailleurs çà va se faire tout
seul. Le concessionnaire Hummer s'éponge le front, mais peut
être est ce la chaleur excessive ? Les New yorkais commandent des
Smart. On voit des mini cooper dans les rues. Et puis ici on a
inventé un mot : "staycation", contraction de "stay" et de
"vacation" : des vacances où on reste à la maison.
Tiens je vais faire pareil, moi…
La nuit tombe. Un coursier à vélo à la
crinière punk - bardé de tatouages - descend Broadway
à tout allure, avec son sac Manhattan Portage en
bandoulière, en zigzaguant entre les yellow cab. Sûrement
un pli important pour Wall Street. Les histoires de fric
çà n'attend pas. A moins que cela ne soit une lettre
d'amour "durable" qui descende Manhattan ?
A l'hôtel de Newark, la chambre est un refuge temporaire qui isole du grondement de la ville.
Je suis obligé d'installer un traversin pour bloquer l'air
glacial de la clim du couloir, qui passe sous la porte de la chambre.
Demain nous partons pour les Rocheuses.
Objectif : Denver. Colorado.
=:-)
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