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Habiter la Terre… Etats Unis
Airstream
Carol eet Jerry nous invitent dans leur diligence moderne, au fin fond des Rocheuses.
Vendredi 4 Juillet
4 Juillet…
L'anniversaire de l'indépendance des Etats Unis. Difficile de
l'oublier. Les drapeaux ont fleuri sur les façades, les
bâtiments publics, les voitures… Nous faisons route vers
les montagnes. Nous sommes à l'endroit où les grandes
plaines du Colorado viennent buter contre les Rocheuses. On imagine
facilement les chariots dans la prairie, du temps de la conquête
de l'Ouest. L'Amérique a conservé cette tradition du
voyage, du nomadisme, de l'habitat mobile. Pour des raisons
économiques - les "Mobile Home" sont des maisons faciles
à déplacer en fonction du lieu de travail - mais aussi
pour cet esprit de pionnier que les américains se plaisent
à maintenir. En jouant leur propre rôle. Les nouveaux cow
boys.
Nous avons quitté le goudron pour filer sur cette bonne piste,
dans une grande vallée sauvage. J'ai rendez vous avec Jerry et
Carol, au fin fond d'une vallée des Rocheuses. Sur une prairie
au bord de la rivière, au pied d'un sommet enneigé de
4000 mètres d'altitude. J'ai contacté Jerry sur un forum,
sur internet, parce qu'il est un des passionnés de ces mythiques
caravanes de la marque de légende : Airstream. Il vient passer
ce week-end pas ordinaire dans la montagne, et a donné rendez
vous par internet à d'autres passionnés de la marque.
Nous filons maintenant dans une vallée plus étroite.
Forêts de pins et de bouleaux. Il reste pas mal de neige en
altitude. Cet hiver les chutes de neige ont été bien
supérieures à la normale ici. Petits écureuils qui
traversent la piste. En bas, la rivière roule ses eaux de fonte.
Nous avons pris pas mal d'altitude. En comptant les carrefours, en me
fiant aux indications de Jerry, nous arrivons au lieu du rendez vous :
une belle prairie au bord de la rivière, entourée de
montagnes couvertes de sapins.
J'aperçois des caravanes, mais ce ne sont pas des caravanes de la marque "Airstream".
Trois caravanes. Deux tentes aussi. Je m'arrête à distance
respectable. Sors de la voiture, et m'approche doucement.
"- Bonjour ! Nous cherchons Jerry, y a t il quelqu'un de ce nom là dans votre campement ?"
L'homme qui s'est approché doit peser dans les 150 kilos, il a
une bedaine imposante qui pointe en avant. Crâne à
moitié ras", tatouage sur le bras, deux chiens à la
gueule de travers (j'y connais rien en marque de chien…) il
ferait très bien le service d'ordre d'un concert de hard rock
"- Jerry ? non. Il n'y a personne de ce nom là ici.
- Vous n'avez pas vu de caravanes Airstream ?
- Non, çà fait une
semaine que nous sommes là, et nous n'avons pas vu
d'Airstream… Allez voir plus haut, il y a une deuxième
prairie plus loin."
L'accueil est poli mais reste froid. On comprend vite qu'ils voudraient
bien la clairière pour eux tous seuls… En fait nous
sommes arrivés les premiers. Nous partons voir plus en amont, en
suivant les indications du lascar, puis je vois briller quelque chose
au loin dans la forêt : çà doit être eux.
Nous faisons demi tour. Nous dominons maintenant la clairière.
Un véhicule 4 X 4 s'engage dans la prairie en tractant une
magnifique caravane en aluminium. Oui, cette fois ci, ce sont eux !
Il a levé les deux bras au ciel.
"- Hello Jerry !
- Hi Roland !"
Nous les rejoignons. Grandes poignées de main. C'est rigolo de
rencontrer ici quelqu'un avec qui je n'ai parlé que par mail et
sur un forum sur internet. Jerry est tout content que nous soyons
là. Chemise à carreaux de cow boy, crâne
dégarni, bonne bouille, grand sourire aux dents bien
alignées. Sa femme Carol s'approche. Forte corpulence. Elle vous
regarde droit dans les yeux. Une femme maîtresse.
Il faut d'abord choisir l'endroit adéquat. C'est à dire
bien placé, et le plus plat possible. Carol guide Jerry.
"- Avance encore un peu, comme çà nous aurons la fenêtre de la cuisine vers la rivière."
Carol aime bien faire la cuisine. Cà y est on a trouvé le
bon endroit. Caler l'engin, pour mettre à l'horizontale. Il y a
un petit niveau qui facilite la tâche. Puis il faut s'installer.
J'aide Carol à sortir les affaires indispensables de
l'Airstream. J'ai l'impression que c'est elle qui est la
maîtresse de maison. Le tapis, au pied de l'escalier. Puis les
affaires des chiens. Puis la glacière (elle est mieux que la
notre). Enfin les chaises pliantes.
"- J'en ai apporté deux de plus, pour vous.
- Oh merci !"
Nous pouvons enfin nous asseoir, face à la rivière. Face
à la montagne. Regarder les névés, la futaie des
sapins sombres juste là devant.
Tran - quilles !
"- Quand j'étais adolescente,
je devais avoir 17 ou 18 ans, j'ai vu un jour un rassemblement de ces
caravanes si particulières, j'étais fascinée.
Alors je me suis dit qu'un jour je vivrai dans ce genre de maison sur
roues."
Carol possède un vieux modèle, des années 60, et
avec Jerry, son nouveau mari, ils ont acheté d'occasion - car
c'est hors de prix - cette caravane il y a 6 ans. Depuis ils voyagent
dès qu'ils le peuvent. Scout à 16 ans, Carol a fait
plusieurs métiers dans sa vie, dont celui d'hôtesse de
l'air. Elle a voyagé dans pas mal de pays.
"- J'adore la France ! Et l'Italie ! Ce sont mes deux pays préférés."
Jerry était ingénieur d'un haut niveau. Il a ainsi
échappé à la guerre du Vietnam parce qu'il
était trop important qu'il reste dans le pays pour des questions
de sécurité intérieure. Leur retraite, ils la
passent à Albuquerque, au Nouveau Mexique. Dès qu'ils le
peuvent, ils partent avec leur caravane.
Carol m'entraîne dans l'Airstream. Pour le voyage, elle a
rangé pas mal d'affaires, il est temps maintenant de
s'installer. Retrouver son chez soi. Recréer son petit univers.
D'abord remettre droites les chaises posées par terre, puis
raccrocher les tableaux : trois dessins sous cadre en verre, qui
représentent des publicités d'apéritif des
années 30… Puis, du frigo, elle sort deux petits bouquets
de rose avec du romarin.
"- C'est du romarin du jardin, je l'apporte pour la cuisine."
Nous voici dans la chambre. Carol continue à faire la démonstration des fenêtres, puis du lit.
"- Il y avait une version avec deux lits séparés. Mais j'aime toujours mon mari, nous avons pris un grand lit !"
Carol est heureuse de sa maison sur roues.
"- J'aime soit les très bons hôtels, soit cette caravane. J'aime l'opéra et la nature."
Nous prenons maintenant le thé, devant la caravane, face
à la forêt. Jerry raconte l'histoire légendaire de
la marque Airstream. Qui commence avec les expérimentations de
Wally Byam, ingénieur en aéronautique, au début du
20 ème siècle. Il développe tout de suite
l'idée d'une caravane extra légère, construite
comme un avion. Aluminium, structure en nervures, hublots.
Immédiatement, le look est donné. La qualité de
fabrication aussi. La durabilité de l'aluminium fait que ses
caravanes ne vieillissent quasiment pas. Le génie de Wally Byam
fut - selon Jerry - de combiner maîtrise technique et arguments
de vente (génie publicitaire). Il organise par exemple une
traversée de l'Afrique, depuis le Cap de Bonne Espérance
jusqu'au Caire. Un convoi qui traverse pendant des mois le continent
noir. Parfois il faut charger les Airstream sur des bateaux, pour leur
faire traverser les fleuves.
Ses caravanes vont faire le tour du monde. La marque devient une
légende. Une photo célèbre représente un
cycliste tractant un modèle de la marque pour en vanter la
légéreté.
"- C'est un français qui tracte la caravane, c'est un champion de vélo de l'époque."
Jerry a sorti un bouquin qui montre des photos des modèles de la
marque partout dans le monde. Impressionnant. Encore aujourd'hui, les
astronautes de la Nasa passent la dernière nuit avant le
lancement des fusées dans une caravane Airstream, sur la base de
Cap Canaveral !
"- Regarde Roland, voici notre vin."
Jerry a sorti de la voiture une bouteille de vin couleur jaune foncé. Carol est tout fière.
"- Quand nous avons acheté notre maison, il y avait une treille, alors on s'est mis à faire notre propre vin."
Nous trinquons à notre rencontre.
"- Cà fait plaisir de vous
avoir, vous deux, les français, et de passer d'aussi bons
moments dans un endroit pareil."
Le vin a un petit côté d'un vin grec un peu
résiné. Pas mauvais. J'apporte de la viande. Quelques
beaux steaks. Nous avions convenu cela sur internet avec Jerry. Nous
avons aussi du vin (j'ai choisi trois bouteilles (car nous devions
être plus nombreux). Français bien sûr, californien,
et australien. Carol prépare le repas, je viens lui donner un
coup de main.
"- Tu ne fais jamais à manger, Jerry ?
- Si ! J'ai fait une fois un grand repas, pour séduire Carol, c'était il y a 22 ans exactement.
- Oui, exactement, je me souviens" continue Carol. "D'ailleurs notre anniversaire de mariage c'est demain ! 22 ans, pas mal, non ?
- C'est vrai ?!? Extraordinaire ! Alors cela va être un superbe repas ce soir.
- Les amis de Carol pensaient que je lui faisais une surprise." reprend Jerry, "Que
j'allais l'emmener à l'aéroport avec la caravane, puis
partir en avion quelque part. Mais non, je l'emmène ici sous les
étoiles, avec les moustiques !"
Jerry manque de s'étouffer en rigolant. Carol réplique :
"- J'adore çà ! je suis quelqu'un de très positif tout le temps, tu sais Roland ?"
La pluie a rafraîchit l'air, et dehors c'est vrai, il y a plein
de moustiques. Des moustiques à 3500 mètres d'altitude,
ils exagèrent quand même… Je place les assiettes.
Carol sort les verres en cristal. Repas aux bougies. Jerry raconte
leurs virées en randonnée dans les parcs natinaux de
l'Arizona, leur trek au fond du grand canyon, leurs randonnées
à ski de fond, avec bivouac à côté des
sources d'eau chaude.
"- Pendant des années nous
avons baroudé avec très peu de confort parfois.
Maintenant on aime bien cette caravane, il y a tout ce qu'il nous faut."
Je me dis tout à coup que Jerry et Carol ont une belle vie.
Je jette un coup d'oeil à l'extérieur de la caravane. La nuit est tombée maintenant.
"- J'ai encore une surprise pour vous…!"
Je file à la voiture. Ce matin, j'ai acheté un feu
d'artifice au magasin d'Alamosa. J'adore les feux d'artifice… Je
cours les installer dans l'herbe. Attention. Rester concentré.
Bien dégager les mèches ! Ecarter suffisamment les
mortiers. Prévoir une petite progression dans les fusées
et fontaines. Jerry et Carol sortent tout excités. Ils ont mis
la musique dans le 4 X 4 (un GMC de 8,4l de cylindrée…
!). Un Cd avec l'hymne américain, qu'ils commencent à
entonner. Et puis une compilation de grands classiques du rock, et du
swing.
Pan ! Pschiiiii !
Les chinois m'ont un peu roulé dans la farine. Ce qui est vendu
comme mortier n'est en réalité qu'une série de
petites fontaines d'artifice aux multiples couleurs. Mais tout le monde
adore quand même. Carol est toute émue.
"- Wonderful Roland ! Thank you !"
Elle me tient par l'épaule. Elle a décroché le
drapeau américain, et nous chantons "Oh when the saints…"
sous les étoiles.
Samedi 5 Juillet
J'ai dormi sur la banquette du petit salon de la caravane.
Pierre a préféré bivouaquer dehors.
Aux premières lueurs du jour j'étais
réveillé. Très vite le soleil est venu illuminer
les crêtes.
Carol nous a fait cuire les steaks qui restaient pour la route.
Nous sommes repartis par une autre piste. Il a fallu passer un col, à plus de 4000 mètres d'altitude.
Puis se laisser glisser dans une grande vallée.
Un cow boy poussait son troupeau dans la prairie, ses cris résonnaient dans les bois de bouleaux.
Une grande plaine sèche vers le sud. Nuages d'orage qui se forment au loin.
Au milieu d'une ligne droite, la frontière : nous changeons d'Etat : nous voici au Nouveau Mexique.
Halte à Tres Piedras. Un village fait de bric et de broc.
Et voici Taos et ses maisons en adobe. Mais ce ne sont pas les maisons
en adobe que je viens voir. Je suis venu explorer ici un autre type
d'habitat expérimental. Au programme de demain : les
"Earthships".
=:-)
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