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Habiter la terre… Chine ! - Hong Kong
Voyage en Chine
Septembre - Octobre 2007
Hong Kong
Dimanche 16 Septembre
Chep Lap Kok. 8h00.
Le vol AF 184 s'est posé sans encombre sur ce nouvel aéroport de Hong Kong.
Retour en Chine. Quatrième voyage qui commence. Hong Kong…
Certainement la ville la plus improbable d'Asie. Cosmopolite à souhait.
L'odeur âcre des gaz d'échappement qui monte à la
gorge. Les yeux qui piquent. La moiteur tropicale au milieu des
buildings.
La fourmillére qui se met en route au petit matin, pour ne presque jamais s'arrêter.
Nous avons rendez vous pour une consultation fengshuï avec le
maître Vincent Yu, venu inspecter la disposition et la
décoration chez deux nouveaux riches, au sixième
étage d'un condominium où le moindre appartement se
négocie 1 million de dollars.
On est loin des records, cet immeuble se trouve à Kowloon.
Les chinois nomment "fengshui" cet art de scruter la terre et
d'examiner le "qi", l'ensemble des flux, négatifs ou favorables,
qui y circulent, pour déterminer les sites propices aux morts et
aux vivants. Il faut bloquer les vents, qui capturent le "qi" et le
dispersent, et canaliser les eaux qui le collectent et l'engrangent.
Son maître mot est l'harmonie. C'est pour que règne
l'équilibre entre un lieu et la destinée d'un homme et de
sa famille qu'on fait appel aux géomanciens.
Principe directeur de tout ce qui a été construit par le
passé, le fengshui a déserté les villes chinoises
avec l'avènement de Mao. Banni comme science occulte, il a
plié bagage pour Taiwan, il a trouvé refuge à Hong
Kong. Les cabinets de géomanciens sont devenus aussi
incontournables que les conseillers en investissement. Leurs
préceptes ont guidé la construction de la Hong Kong and
Shanghai Bank, et de la Bank of China, les deux plus hautes tours de
l'île.
Pourtant toutes les banques concurrentes situées à
côté de la Banque de Chine lui ont intenté un
procès, à cause des angles aigus de son gratte-ciel de 70
étages. Les autres banques considéraient en effet que
tous ces angles leur portaient préjudice.
Le bâtiment semblait lancer des flèches en direction de
ses concurrents visant à "tuer leur chi". Ainsi, en
réponse à ces flèches, les occupants des
bâtiments voisins firent installer des miroirs afin de renvoyer
à sa source l'énergie néfaste. La presse locale a
même rapporté que non loin de là, un saule a
été planté dans les jardins de la Maison du
gouvernement pour détourner l'énergie négative
émanant de cette banque chinoise.
Vincent Yu fait sa consultation, aujourd'hui, dans un immense
appartement, qui surplombe la baie. Les nouveaux occupants sont
là. Maître Lo sort le "Lo Pan" (sa boussole chinoise) et
commence l'étude. L'astrologie des cinq éléments,
et l'intuition vont aussi jouer un rôle important…
Double aquarium, avec poisson dragon contre poisson porte bonheur.
Meubles anciens laqués. Home cinéma Bang & Olufsen.
Cuisine ultramoderne. Finitions parfaites. Sur le balcon, ces plantes
aux feuilles dorées chargés d'assurer la bonne fortune
aux occupants des lieux. Vincent Yu ausculte la pièce
principale, il m'explique les principes de cette géomancie qui
nous paraît décalée, mais qui pourtant régit
l'organisation de l'espace.
Vincent Yu a commencé sa carrière en lisant les lignes de la main.
Nous nous essayons à l'exercice. Séquence
vérité. Troublant… Rires aux éclats
camouflant quelques vérités dévoilées au
passage.
La chambre, avec ce paravent censé détourner l'énergie du lit vers le reste de la pièce.
Le couple de nouveaux riches, un peu frivole, et un peu timide aussi.
Elle travaille pour la plus grosse compagnie de maquettes de voiture. Numéro 1 en Asie. Majorette puissance douze.
Il se cache derrière sa mèche de cheveux, et son polo à rayures.
Dehors, l'averse d'une queue de mousson s'abat un court instant sur le
marbre des allées et la piscine aux eaux turquoises.
Longues discussions, rigolades, complicité d'un moment.
Politesse chinoise. L'art du compromis. Ne jamais se fâcher. Se
fâcher, c'est perdre la face, s'avouer vaincu, montrer qu'on ne
peut même pas se contrôler soi même…
Taxi de retour, dans les embouteillages. Il faut repasser ce tunnel
sous marin, dont les énormes ventilateurs peinent à
expulser les gaz carboniques vers l'extérieur. Clim à
fond dans la voiture. Mal à la nuque. Les yeux dans le vague. La
radio du taxi qui crache les ordres en mandarin.
La soirée, sur les pentes de Hong Kong Island.
Les embouteillages sur les bretelles d'autoroutes, et puis ces petites
ruelles au pied des immeubles. Les bus à deux étages qui
frôlent les bâtiments décrépis perdus au
milieu d'une forêt d'immeubles high tech.
Vieux chinois torse nu tirant une cariole, frôlé par une
Lamborghini Countach jaune qui grimpe les pentes, et dont le feulement
fait se retourner trois touristes bimbo chinoises aux lunettes
surdimensionnées.
Plus loin une rolls derrière une grille.
Le sommet du fric, et le sommet de la pauvreté. Raccourci saisissant.
Et là, trois sikhs enturbannés qui discutent au coin de la rue.
Plus loin, une mosquée au milieu d'un jardin tropical.
Ce matin, dans le journal, l'histoire d'une femme qui frappe un python
de 4,5 mètres cinquante de long en train d'étouffer son
chien, dans un parc des nouveaux territoires.
Et la nuit qui tombe d'un coup, ce brouillard qui descend sur le sommet
des immeubles en verre. Les musiques s'échappent des
échoppes aux milles produits de la pharmacopée chinoises
côtoyant l'alimentation agro-industrielle sous vide.
Téléphones portables en série. Oreillettes
bluetooth visées sur les oreilles. Tous les accessoires
possibles.
Boui boui avec soupe asiatique à côté de minuscules
magasins de prêt à porter où des jeunes
gominés tapotent sur leur portable leurs rendez vous du soir de
la main droite en surfant sur le net de la main gauche.
Une population de tous horizons de la planète envahit la
cité, au moment où les façades se mettent à
clignoter.
Blade Runner en vrai.
Indescriptible ! Un vertige. Lever la tête donne le tournis. Accentué par le décalage horaire.
On se réfugie dans un café à la climatisation
réglée sur max, où les écrans plats
diffusent les dernières vidéos branchées,
entrecoupées de pub de la world compagny.
Mannequins métissées sublimes au regard de cinéma,
familles du continent dévorant des raviolis vapeur et des
poissons à la coriandre, touristes perdus sur les pentes,
étudiants de tous pays, hommes d'affaires, membres de services
de sécurité qui ont fini leur journée de boulot,
tout le monde brasse et tente désespèrement de trouver un
sens à sa vie.
Lundi 17 Septembre
Victoria Park. 5h 45. La brume, toujours.
Taï chi au petit matin.
Il y a ce couple incroyable qui pratique la version longue, et ensuite
à l'éventail, puis au sabre. 70 ans tous les deux. Au
ralenti. Maîtrise absolue, des années de pratique, mais
toujours à la recherche de l'harmonie parfaite.
Je m'incruste avec le plus de respect possible.
A côté, la ville commence son vacarme quotidien.
Il y a cette montée en taxi, dans la forêt tropicale qui couvre les pentes de Victoria Island.
Puis le belvédère, avec les buildings qui poussent au milieu de la forêt vierge.
Point de vue en hauteur sur la ville. Forêt de gratte ciels.
Puis la pause midi, dans le quartier de Soho, et Central. Office girls
en tailleurs qui côtoient les mamies chargées du nettoyage.
Vieux chinois barbus torse nu assis par terre, à
côté de leur tas de poireaux et autres légumes,
dont la plupart me sont inconnus.
Echafaudages en bambous, le long des gratte ciels.
Plus tard, dans l'après midi, le ferry, qui passe de Hong Kong Island à Kowloon.
Le ferry, version siècle dernier, enfin celui d'avant plutôt…
Les gens qui rentrent du boulot. Visages fatigués.
Toujours autant de trafic maritime dans la baie. Reflets sur l'eau.
Ferries croisant les porte container, au milieu des faux bateaux
à vapeur pour touristes aux guirlandes aguichantes, et ce hors
bord militaire aux marins en tenue de camouflage, avec casque
intégral, dont le bruit du moteur qui gronde en
accélérant couvre un instant le tumulte de la ville.
Intense et permanent ronronnement.
Sorte de moment magique, et en même temps situation
incontrôlée. Plaisir de s'abandonner, de se perdre, de
perdre ses repères. Ce n'est que le début du
voyage…
Puis la ville s'illumine, comme un cadeau. Un à un les immeubles
montrent leur robe de soirée, aux tenues étincelantes.
Néons géants, écrans surdimensionnés.
Course à la lumière, au gigantisme, à la
démesure.
Carte postale d'une ville irréelle perdue dans la brume.
Il est temps de remonter les pentes, en croisant les premiers noctambules qui titubent déjà.
Demain, vol pour Xiamen.
Direction Nord est, sur la côte. Nous avons rendez vous avec le
chauffeur qui nous attend pour trois heures de route. Nous filons chez
les Hakkas. Une ethnie chinoise qui vit dans des fortins circulaires
aux épais murs en terre, perdus au milieu des rizières.
Un habitat collectif où plusieurs générations
vivent toujours ensemble. Une autre Chine.
=:-)
Etape suivante : Hakkas
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